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30 places maximum | Petite salle
Que faut-il traverser pour qu’il y ait rencontre ?
Nous réfléchirons à l’accueil, aux dispositifs existants et à inventer.
Par quoi sommes-nous traversés dans la rencontre ?
Il sera question du contre transfert culturel dans ses effets de fascination, de rejet, de réparation, d’amour… que l’on soit citoyen, bénévole, professionnel qu’il soit nommé thérapeute, sorcier, chamane, marabout…
1-Anne Gaëlle KERGOSIEN, animatrice socioculturelle, Le réaap, Finistère
“J’ai compris, on est pas des amies, tu as fait ton travail”
Mots-clés : rencontres – malentendus – postures – contre-transfert
Participant aux rencontres du Réseau d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents du Finistère, c’est dans ce cadre que j’ai été invitée à proposer cette contribution. En effet, il apparaît que les missions des référent.e.s familles viennent questionner les notions d’accueil et d’accompagnement, du soin parfois des familles avec lesquelles nous travaillons chaque jour, et que les effets produits sont remarquables, et remarqués. La question de l’interculturel existe à la marge de mon travail, mais il me semble qu’il y a des ressorts communs, notamment autour la frontière entre l’intime et le professionnel : qu’est-ce que ça a comme conséquence de se laisser toucher par la rencontre. Il me sera possible de développer mon propos à partir des premiers effets de la rencontre, entre nécessaire convivialité mais maintien d’une distance sérieuse, puis comment j’ai supporté de me laisser traverser par les émotions pour modifier ma posture et ainsi être plus proche de la juste place de professionnelle que je recherche. Oser prendre le risque de la rencontre, c’est accepter d’être émue, énervée, agacée, déséquilibrée par l’autre, ce qui me fait gagner en connaissance de moi autant que de l’autre. On peut ici parler de contre-transfert, dans un cadre rigoureux tenu par la nécessaire supervision. Choisir d’investir une partie intime de soi permet la rencontre, lui donne du corps, c’est ce qui nous évite de passer à côté.
2- Nabil HAJJI, directeur du Centre-Médico-Psycho pédagogique J. Charcot, Brest
“De l’invisible à la psychanalyse : quelles traversées possibles?”
Mots-clefs: Invisible, thérapies traditionnelles, thérapies analytiques, bilinguisme, transmission
Dans cette communication, en m’appuyant sur des illustrations cliniques, je me propose de démontrer comment l’invisible peut incarner un mouvement analytique. Mes propos, tout en se structurant autour du bilinguisme, tenteront de mettre en lumière et en perspective les interrogations suivantes :
L’invisible serait-il un événement de parole qui renverrait simultanément à un mal-dire ou bien-dire qui de ce fait inhibe ou désinhibe le processus de soin ?
Comment faire alliance et tenter de sortir de l’impasse qui consisterait à opposer les thérapies traditionnelles et cures analytiques ?
Il s’agit pour moi de se frayer des chemins, voire de débouquer en vue de traversées transmissibles et possibles entre les thérapies traditionnelles et cures analytiques?
3–Elisa AIGNER, assistante sociale, Paris
“Contre transfert d’une professionnelle du lien dans la rencontre avec la radicalité, en Seine-Saint Denis et à Mayotte”
Mots clés: contre transfert, radicalité, travail socio psychologique, inversion d’expertise, déconstruction)
Travailler au sein d’une équipe de professionnels dans une action-recherche sur la question de la radicalisation de type djihadiste en Seine-Saint-Denis entre janvier 2016 et juillet 2019 m’a obligée à révolutionner mon regard de citoyenne et de travailleuse sociale sur cette question politique et en prise à de multiples représentations. Partir du terrain, aller à la rencontre de la population de mineurs et de majeurs étiquetés comme radicaux violents, a bousculé des pratiques professionnelles de la part des intervenants. L’instauration de séances de type transculturel, de consultations pluri-disciplinaires, de prises en charge dans des lieux divers comme une voiture, une chambre d’hôtel, un fast food, à domicile ou en détention, a permis d’élargir les champs d’intervention et d’être au plus près des personnes. Après les attentats du 13 novembre 2015 et les répercussions personnelles qu’ils ont eu sur moi, j’ai dû mettre urgemment au travail mes ressentis et mes propres représentations afin de pouvoir entrer en relation avec les dits « radicalisés ». Ce travail sur mon contre-transfert, sur ma propre histoire métissée, a eu lieu tout au long de l’activité du service et chaque rencontre avec le sujet a impliqué ce travail sur moi. Afin de pouvoir recueillir toute parole, la plus virulente, la plus désespérée et la plus radicale qui soit, il m’a fallu également interroger les fondamentaux du lien social. En effet, travailler sur les valeurs communément admises et portées en étendard par la société dans laquelle on vit, fut indispensable. Déconstruire les pontifs du « vivre ensemble » et de la laïcité, également. Accepter que certains codes ne soient pas de mise (ex : serrer la main d’un homme « radicalisé »), que la liberté de parole soit totale (comment mon corps a pu réagir à cela, et comment j’ai dû apprendre à post-poser certains réflexes de rejet). Cela a dû être pensé (pansé) pour que le respect de la subjectivité de l’Autre soit bien présent. Réinterroger la question du voile et du dévoilement, bousculer son espace de travail en acceptant que certaines pratiques y prennent vie. Et surtout élaborer à partir de la parole des sujets et ne s’enfermer dans aucune théorie, théories explicatives qui se répendaient, notamment dans les médias, par des personnes devenues expertes de ce sujet, parfois sans avoir rencontré un seul protagoniste. Oui les dits « radicalisés » m’ont appris ce qu’était la « radicalisation », en tout cas « leur radicalisation ». Pour se faire, j’ai dû accepter de me défaire de tout mon savoir acquis après plus de 20 ans passés auprès des populations les plus marginalisées (usagers de drogues, personnes prostituées, …) pour entrer en lien. Par contre, j’ai continué à faire ce que je savais faire, c’est-à-dire aller vers l’autre, faciliter la rencontre au sein d’un terrain où la personne avait ses repères et se sentait à l’aise. Parfois le lieu était contraint, en détention notamment, et il a fallu alors se conformer aux codes de ces lieux pour pouvoir espérer rencontrer la subjectivité de l’Autre. C’est grâce à ces questionnements incessants, ces repositionnements et donc de l’analyse de mon contre-transfert, que le lien a été créé avec des dizaines de jeunes et de moins jeunes, avec leurs familles et leurs entourages. La rencontre humaine a permis de comprendre, de travailler et souvent de désamorcer cette violence suicidaire dont étaient animées certaines personnes accompagnées. D’actes très concrets posés dans la réalité sociale (ex : accompagnement physique dans une Mission locale, lors d’un conseil de discipline dans un lycée, rescolarisation, etc) à la prise en charge en profondeur, dans les méandres de l’histoire de vie, de l’histoire transgénérationnelle et souvent coloniale du Sujet, cela a permis une prise en charge holistique de la personne. Et pour ce faire, il a également fallu travailler avec des instances comme la Préfecture, instances qui, à priori, étaient dans une perspective répressive et non « soignante ». Là également, il a fallu faire un travail de déconstruction et être très clair sur les valeurs de respect et de secret professionnel indispensables à l’éthique du travailleur social et du psychologue clinicien. Ce travail avec la violence et la stigmatisation très forte que cela comprend, se poursuivra sur le territoire de l’ile de Mayotte, département français en proie à certains questionnements et des actes perçus et travaillés en Seine-Saint-Denis.
4–Sarah BELLEC, docteure en anthropologie sociale et culturelle, université Rennes 2
“Thérapie de soi au miroir de l’autre : quand le tourisme autochtone néo-calédonien répare les identités locales et d’ailleurs”
Mots clés: rencontre, mal-entendu, communication, Nouvelle Calédonie, tourisme autochtone
Cette communication, issue d’un doctorat en anthropologie sociale et culturelle soutenu en 2019 à l’EHESS de Marseille vise à présenter les processus de rencontre et plus précisément les malentendus entre la population kanak de Nouvelle-Calédonie qui accueille en tribu et les visiteurs locaux et métropolitains. L’ethnographie révèle que les malentendus sont davantage interpersonnels qu’interculturels, liés à des quêtes identitaires pour les touristes et des difficultés sociétales pour les kanak. Construite à partir du schéma dramaturgique de Goffman et de la communication orchestrale de l’école de Palo Alto, la recherche démontre que les malentendus sont réparables à partir du moment où silence et/ou non-dit s’amenuisent. La communication interpersonnelle génère ainsi une altérité plus « juste », moins exotique, moins fantasmée déconstruisant des stéréotypes culturalistes souvent préjudiciables aux kanak. Elle démontre également que le tourisme est un espace de socialisation qui peut s’avérer thérapeutique dans la mesure où il ne s’agit pas de consommer un produit dont la satisfaction peut-être plus ou moins objectivée mais de questionner le sens de sa vie au regard de l’autre. Il s’agit ici de considérer le concept de contre-transfert culturel dans une perspective interactionniste où dans le schéma dramaturgique goffmanien et plus particulièrement via sa métaphore théâtrale, l’identité du thérapeute change au fur et à mesure des contextes et des échanges. Tour à tour, prestataire de tourisme, touriste et chercheur, si ce dernier accepte de jouer ce rôle, devient thérapeute dans une posture très réflexive.